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Méthodologie suivie

Entretiens oraux de l'Association Georges Pompidou Méthodologie suivie

Le corpus du programme d'archives orales a des caractéristiques originales qui déterminent des méthodes spécifiques d'entretiens et la nature des témoignages obtenus.

Une introduction biographique

La diversification du corpus imposait d'ouvrir chaque entretien par une introduction biographique afin de pouvoir situer le témoignage et autoriser sa critique externe. Cette démarche fut décidée par le Conseil scientifique et mise en oeuvre par Jean-Pierre Williot dès le début. Cette introduction biographique n'excède que rarement la demi-heure et obéit, elle, à un questionnaire type : les date et lieu de naissance, les origines familiales, la formation, la guerre, la Résistance et l'Occupation, le premier engagement politique, la carrière, les mandats, les responsabilités gouvernementales le cas échéant etc., et s'achève toujours par la première rencontre avec Georges Pompidou. Nous insistons, dans la mesure du possible, sur l'engagement initial du témoin, ce qui permet souvent de le rattacher à une famille, à une génération politique et de mieux comprendre sa sensibilité et ses fidélités. L'entre-deux-guerres, la guerre, la IVe République sont de fait balayées et articulées aux années Pompidou proprement dites qu'elles mettent ainsi en perspective.

De cette façon, nous espérons situer le témoignage et donc critiquer la source que nous avons constituée. Mais cette introduction biographique répond aussi à une ambition plus large : pouvoir à terme caractériser le personnel politique des années Pompidou et contribuer ainsi à des enquêtes prosopographiques.

La démarche générale de l'entretien

Mais pour la suite de l'entretien, plusieurs démarches étaient en effet possibles et sont combinées.

Volontairement, les entretiens reprennent de façon quasi systématique des questionnaires types. La rencontre du témoin avec Georges Pompidou, son portrait, les événements-clés qui scandèrent sa carrière comme la pratique du pouvoir devaient ainsi être systématiquement évoqués. Ces questions permettent de mettre en relation les différents témoignages du corpus.

Mais si le programme tentait d'appliquer un questionnaire type, celui-ci devait demeurer relativement souple afin de pouvoir cerner des témoins aussi divers. Avec une équipe de chercheurs plus étoffée et aux domaines variés de compétences, le programme pouvait tenter d'associer des questions types à des problématiques plus spécifiques au rôle du témoin, en utilisant les compétences de chacun.

Ce choix méthodologique permet ainsi d'élargir la stricte perspective biographique à l'étude des années Pompidou, dans la mesure où nous cherchons à analyser dans son entier le processus de décision, en allant au-delà de son impulsion initiale. Les entretiens - car ils sont rarement uniques - sont donc plus longs (en moyenne 4 heures), plus détaillés et souvent réalisés à plusieurs, car ils doivent associer les compétences de chacun. Depuis 1997, il a été décidé d'associer des étudiants, des doctorants, voire des spécialistes sur des thèmes ponctuels que l'équipe ne pouvait assumer elle-même. Cette collaboration est particulièrement développée lors de la préparation des colloques.

Les conséquences sur la nature des témoignages

La diversité du corpus, en dépit d'une démarche qui se veut rigoureuse, entraîne une grande variété dans le produit final. Plusieurs facteurs participent à la construction de cette source orale, indépendamment des paramètres assumés par le programme, tels que le degré de proximité avec Georges Pompidou ou la sensibilité politique du témoin. Ainsi interfèrent l'âge du témoin et les problèmes de mémoire et de reconstruction afférents; sa notoriété, sa disponibilité et le lieu de l'entretien (le domicile ne crée pas le même climat que l'Institut ou le Sénat); sa formation et la conscience qu'il peut avoir de l'enjeu scientifique de son témoignage... De sorte que les entretiens peuvent être grossièrement classés en trois catégories 

  1. Certains témoignages relèvent plus largement du domaine des représentations car le témoin y développent ses hypothèses à partir de ses intuitions et de ses sentiments personnels.
  2. D'autres sont plus strictement informatifs et leurs relevés chronothématiques comprennent une multitude de noms propres et de faits datés.
  3. D'autres enfin émanent d'hommes qui ont déjà analysé ce passé, qui ont écrit à son sujet, parfois longuement, et sont donc plus analytiques.

Dans la pratique, un grand nombre de témoignages appartiennent à ces trois catégories et c'est ce qui fait sans doute leur richesse. Il nous appartient lors du canevas d'entretien de déterminer quelle méthode, plus ou moins directive, sera la plus rentable et de moduler la fréquence et la précision de nos interventions en cours d'interview.

Nous essayons de préserver tant que possible la diversité de notre corpus, tout en dosant le temps consacré à chacun en fonction de son degré de proximité avec Georges Pompidou ou de son poids dans les prises de décision. Nous tentons aussi de concilier dans nos questionnaires des problématiques généralistes, qui permettent de ne pas isoler le programme Georges Pompidou et de le croiser avec d'autres enquêtes à portée plus large, avec des axes de recherches plus spécifiques. En résumé, notre corpus implique une méthode souple d'entretien, tout en suivant une démarche type et une procédure rigoureuse.

Procédure suivi pour l'entretien

  • La prise de contact avec le témoin

La campagne d'entretiens s'étend du début du mois de septembre à la fin du mois de juillet de l'année suivante. À chaque début de campagne, un courrier, signé du président de l'Association, est envoyé aux témoins retenus. Il présente brièvement le programme d'archives orales, montre l'intérêt du témoignage et évoque les conditions de consultations aux Archives nationales. En cours d'année, d'autres demandes peuvent être envoyées, afin de répondre au mieux aux besoins des colloques ou pour pallier les réponses négatives ou sans suite. Quand un entretien est réalisé par plusieurs chercheurs, l'un d'eux est «pilote», c'est-à-dire responsable des contacts ultérieurs avec le témoin et du traitement en aval du témoignage. C'est lui qui, après réponse favorable du témoin, assure par téléphone le premier rendez-vous.

  • Le travail en amont : les sources et instruments pour préparer le canevas d'entretien

La préparation des entretiens suppose une mise au point historiographique qui s'enrichit tout au long de l'année et à l'occasion des séminaires et des colloques. Pour chaque témoin, une lecture approfondie de l'ensemble de ses ouvrages est obligatoire. Le cas est particulièrement vrai des Mémoires, qui doivent être lus avec trois objectifs : demander des précisions sur certains passages, afin de compléter le propos; s'inscrire dans les «blancs», ce qui peut conduire le témoin sur des pistes auxquelles il n'avait pas songé; relever les contradictions éventuelles. Par ailleurs, certains entretiens nécessitent le recours aux archives de la Présidence de la République (Archives nationales, fonds 5AG2). C'est tout particulièrement le cas pour les chargés de mission et conseillers techniques de Georges Pompidou, dont une partie des notes est déposée aux Archives nationales. La citation d'une note, qu'il a écrite trente ans auparavant, surprend bien souvent le témoin et l'engage davantage à la précision. De même, la presse d'information, mais aussi les revues et les organes politiques où il a pu s'exprimer sont utilisés. En outre, le recours aux outils de travail classiques est systématique : dictionnaires biographiques, Bottin administratif, L'Année politique, les écrits de Georges Pompidou, les biographies qui lui ont été consacrées. Enfin, il est désormais possible de réinvestir les apports déjà nombreux du programme d'archives orales.

  • Le premier contact avec le témoin : le canevas d'entretien 

Le premier rendez-vous est l'occasion d'une discussion qui doit permettre aux chercheurs de présenter l'Association au témoin et d'expliquer le déroulement des entretiens futurs. Il est aussi l'occasion de faire connaissance, de comprendre son approche du témoignage. Les chercheurs lui présentent le canevas d'entretien, qui est un plan détaillé des thèmes qu'ils souhaitent aborder. Le témoin, après lecture, doit l'amender ou le corriger si nécessaire. Ainsi, les deux parties sont d'accord sur le déroulement futur des rencontres. Cette première entrevue, en l'absence de tout matériel d'enregistrement, dure en général une heure.

  • L'entretien proprement dit

    • Le questionnaire. À partir du canevas corrigé, les chercheurs établissent leur questionnaire que le témoin ne voit jamais. Le cadre général étant déjà connu, il s'agit en effet de préserver la spontanéité du témoignage.
    • Les conditions de l'entretien. La durée totale des entretiens varie entre 1 heure et 15 heures, avec une moyenne de 4h15 par entretien. Il est rare qu'une séance excède 1h30, temps au-delà duquel le témoignage est moins percutant. Le lieu de l'entretien varie : dans son bureau quand le témoin en possède encore un, à son domicile si ce n'est pas le cas, rarement dans les bureaux de l'Association.
    • L'enregistrement . Il est double. La copie principale est faite sur du matériel spécialisé. C'est elle qui servira au traitement ultérieur de l'entretien et qui sera conservée aux Archives nationales. Une autre copie est faite sur cassette en direct pour le témoin, qui en dispose à la fin de chaque entrevue.
    • La convention de consultation aux Archives nationales. À l'issue des entretiens, les témoins signent une convention de consultation aux Archives nationales. Rares sont ceux qui imposent un délai. Le cas échéant, la consultation du témoignage est soumise à autorisation. Les témoins en conservent un double.

Le traitement des entretiens en aval

L'ensemble du traitement en aval est effectué par le chercheur «pilote» de l'entretien.

  • Le dossier. Le «pilote» constitue un dossier qui est conservé à l'Association. Celui-ci comprend les échanges de courriers initiaux, le canevas, le questionnaire, le relevé chronothématique, la convention et tout autre renseignement utile sur le témoin ou sur l'entretien.
  • Les copies. À partir de la copie principale, deux copies-cassettes sont établies, l'une pour la consultation par les chercheurs aux Archives nationales, l'autre à usage interne de l'Association.
  • Le relevé chronothématique. Il reprend, en les indexant, les thèmes, dates et noms des personnes évoqués par le témoin. Son intérêt est double :
    • déposé aux Archives nationales, il est à la disposition des chercheurs et facilite leur travail de repérage dans les entretiens. Il est particulièrement précieux dans le cas de témoins qui ont occupé de multiples fonctions (ce qui est fréquent), mais dont une seule intéresse celui qui auditionne;
    • conservé à l'Association, il est utile pour la préparation d'autres entretiens.
  • Le dépôt au département audiovisuel des Archives nationales. Une convention a été établie entre l'Association et les Archives nationales. Un chercheur est chargé d'organiser le dépôt des entretiens, dont la liste est disponible en salle des inventaires du CARAN, sous la cote AV. À partir du dépôt, les entretiens sont consultables aux Archives nationales (et non à l'Association) au même titre que tout autre dépôt d'archives audiovisuelles.